A l'approche de chaque grande échéance
électorale, par préoccupation altruiste ou par pur calcul opportuniste, revient
la question du désamour des Français pour leur classe politique.
La réponse est pourtant simple, elle
tient en un mot qui contient à lui seul toutes les dérives, le manque d'idée,
le cynisme, l'opportunisme dont nous subissons tous les effets au quotidien.
Ce mot qui fâche, dont chacun se défend
ardemment, ce mot qui à lui seul chez certains résume toute une carrière
politique, ce mot est l'incroyable défaut qui freine notre pays et qui fait
d'un élan positif un boulet administratif quand la bataille des égos passe
avant l'intérêt collectif.
Ce mot tabou, osons le
dire, est: la récupération politique.
Ce domaine ne demande aucune compétence,
juste le temps de latence minimum pour analyser comment mettre à son profit
l'idée d'autrui et une réactivité maximum pour faire oublier la paternité du projet.
Madame Royal a reculé face au lobby de
l'huile de palme en s'excusant face à Nutella, elle a reculé face au lobby du
diesel et des pétroliers, elle a reculé face à l'ecotaxe. Aujourd'hui, elle
utilise un double langage face à la grande distribution : elle ne veut pas de
la loi mais veut un accord qui ne sera jamais respecté. Ce double langage pose
problème et c'est ce que nous dénonçons aujourd'hui : le manque de courage
politique
Madame Royal était Ministre de
l'Ecologie en 1992. J'avais 12 ans; J'en ai aujourd'hui 36. Qu'a-t-elle fait?
Sa récente traversée du désert ne lui aurait-elle pas fait toucher la misère du
doigt pour qu'elle ne se réveille que maintenant sur l'enjeu du gaspillage
alimentaire?
Non, la seule faim jamais assouvie chez
Madame Royal est celle qui nourrit sa carrière politique. Elle a immédiatement
décelé l'angle médiatique intéressant pour se mettre en avant.
Voilà donc
Madame Royal sans pudeur et sans états d'âme qui s'empare de la loi contre le
gaspillage alimentaire.
Je pense aux
citoyens qui œuvrent et se battent avec nous au quotidien pour ce projet.
Je pense aux
citoyens qui ont besoin de ces aides.
Je pense aux
citoyens dont la souffrance est indignement récupérée, leur existence
transformée en outil de propagande,
Il est temps
de rétablir les faits.
La réalité est tout
autre, et Madame Royal peut essayer tous les effets de manche habituels, cette
fois la ficelle est trop visible.
Et c'est d'ailleurs sur le mode de
fonctionnement concret de ce projet que l'on peut s'apercevoir que Madame Royal
n'a pas été confrontée à la réalité des choses.
C'est
pourquoi, faire du bruit sur des négociations avec les grandes enseignes ne
sera suivi d'aucun effet. Même si les grands patrons prennent des engagements,
dans les faits, ce sont les directeurs de magasins qui décident. En effet,
l'accord du 27 août ne concerne pas toute la grande distribution car les deux
tiers des grandes surfaces en France sont des franchises.
Et c'est
pour cela que personne ne peut prétendre que ces engagements, si louables
soient-ils, seront respectés. A Courbevoie, des Monoprix et des Franprix nous
ont refusé des stocks. Ils préfèrent mettre de l'eau de javel. Et cet accord
n'y changera rien. Une franchise ne reçoit d'ordre de personne.
Or, elles
représentent les deux tiers des entreprises. Si une ou deux acceptent de jouer
le jeu, et d'autres non, que ferons-nous ? Cela va devenir une usine à gaz. Et
puis, nous ne pouvons pas surveiller toutes les entreprises.
Il faut donc mettre "enseigne"
et "franchise" sur le même pied d'égalité, obtenir une loi qui
concerne une filière dans son ensemble et non des entités variables. Et
surtout, il convient d'acter que la solidarité n'est pas une question de nature
d'agrément mais d'humanité et là aussi l'égalité s'impose.
De plus, dans ce pseudo accord, rien
n'indique quelles sont les associations susceptibles de recueillir ces dons.
À ce propos, nous regrettons leur
absence lors de cette réunion capitale.
Concrètement, quelle
association pourra venir récupérer les invendus consommables ?
Uniquement les associations agréés ayant
une capacité de stocker des invendus consommables (Restos du cœur, Secours
Catholique, Banque Alimentaire, etc )?
Ou bien toutes les associations, agréées
ou non, qui œuvrent sur le terrain pour une distribution immédiate de la
nourriture parant à l'urgence des plus démunis comme nous l'avons pratiqué à
Courbevoie?
La solidarité est un geste spontané, que
l'on qualifie d'ailleurs "d'élan de solidarité" et seul le contact
avec la réalité d'une cause peut en donner les éléments nécessaires à sa mise
en œuvre.
C'est pourquoi nous
rappelons à Madame Royal que notre proposition s'appuie sur l'expérience du
terrain, sur la confrontation et l'évaluation directes des besoins, sur
l'écoute de ceux que nous aidons parce que nous avons tous un jour ou l'autre
été confrontés à une situation qui fait que nous savons que la détresse n'est
pas calée sur le rythme des administrations et encore moins sur celui d'un
bureau ministériel.
Nous ne sommes pas de ceux qui
"convoquent" mais de ceux qui y sont. Et nous y étions, durant les
mois de décembre et janvier, avec des amis et des bénévoles dans notre commune
de Courbevoie. Nous avons récupéré trois soirs par semaine des invendus pour
les distribuer immédiatement aux personnes nécessiteuses, notamment la classe
moyenne et les SDF. Il n'y a eu aucun problème de logistique ni de bénévole. Et
il n'y a eu aucun problème de "marché gris".
Nous avons sensibilisé le supermarché
"Carrefour Market Charras" de Courbevoie, à notre projet, prouvant
ainsi que quand les bonnes volontés s'unissent, de beaux projets peuvent se
concrétiser pour le bien de tous.
Pour nous, ce n'était pas "juste
une cause mais une cause juste", et c'est pourquoi elle est devenue le
combat de tous. D'abord de nos proches, de nos soutiens sur le terrain et de
nos amis sensibles à cette problématique, comme Mathieu Kassovitz, avec qui
nous avons décidé de lancer une pétition sur Change.org pour obtenir une loi
imposant à tous les supermarchés de distribuer leurs invendus.
Plus de 210.000 personnes ont signé
cette pétition française !
Il s'agit du texte à
thématique "écologique / agriculture" ayant reçu le plus grand nombre de signatures sur un site de pétition
en ligne en France.
Notre combat, soutenu
par "la Croix Rouge Française" et "Action contre la faim"
s'est tourné vers l'Europe. Et notre grande pétition européenne dépasse aujourd'hui les
640.000 signatures. Vous pouvez d'ailleurs continuer à la signer pour atteindre
le million de signatures.
Ce soutien
sans précédent démontre que cette initiative parle à tous et que chacun se
reconnait dans cette main tendue.
Car la
réalité économique de la France fait que l'entraide est un besoin qui va
au-delà de la demande des plus démunis, et que devant cette évidence, seule une
loi pourra donner de la force à cette nécessité grandissante.
La difficulté et la détresse en France
ont un nouveau visage, celui de la classe moyenne qui est confrontée à un
équilibre financier qui lui impose des choix. Non plus des choix de vie mais de
survie, face à des charges grandissantes, de loyer, d'eau, d'électricité, de
santé. Le reste à vivre ne suffit plus à se nourrir.
Cet équilibre périlleux se traduit
aussi, et malheureusement, par l'augmentation du nombre de SDF dans nos rues.
Il est aux politiques d'assurer aux
Français la sérénité. Mais il est du devoir de tous d'aider son prochain quand
il en a les moyens.
C'est pourquoi, en constatant le gâchis
alimentaire dont nous sommes tous témoins, j'ai pensé que nous serions tous
complices si nous ne faisions rien.
Dans le plus grand silence et la plus
grande indifférence, chaque soir, chaque supermarché jette plus de 40 kg de
nourriture consommable. Cela représente 500€ et permet de nourrir 100
personnes.
Des chariots entiers de denrées
consommables qui pourraient être un don précieux pour ceux qui en ont besoin
partent dans des bennes, c'est ce qu'on appelle le gâchis alimentaire.
Face à ce constat, entre tristesse et
colère, il ne fallait pas chercher des réponses tortueuses et lointaines, nous
avons choisi la simplicité et l'efficacité car nous savons que cette loi n'est
pas une loi comme une autre mais une simple évidence de bon sens.
Cette loi est simple. Elle repose sur 3
points et dont le but est d'imposer ou d'inciter les supermarchés à donner
quotidiennement tous leurs invendus à l'association de leur choix.
Ce qui aura comme effet concret de
proposer un droit opposable.
Avec cet encadrement légal, il y aurait
trois conséquences :
1. Une solidarité accessible
à tous pour répondre à l'urgence :
- Chaque
citoyen pourra créer une association (selon la procédure) et déposer les
statuts de son association en mairie.
- Dans sa
commune, il pourra ainsi s'adresser à l'enseigne de son choix, afin que
celle-ci lui remette les invendus pour une distribution le soir même (à
l'instar de notre association Courbevoie 3.0).
Cette disposition permettra de renforcer
l'action des associations traditionnelles de solidarité qui ne peuvent plus
faire face à cette attente démesurée.
Il y aura donc deux sortes
d'associations pour la distribution de nourriture :
- Les associations agréées qui peuvent
stocker (les Restos du cœur, Secours catholique, Secours populaire, Samu
social, Croix rouge...) dont le fonctionnement nécessite des soutiens,
structures et organisation plus complexes.
- Les associations agréées qui ne
peuvent pas stocker en raison d'absence de locaux permettant le stockage en
chambre froide. Et qui, pour respecter cette contrainte, opéreront sur le
terrain une distribution immédiate le soir même, répondant ainsi à l'urgence.
Il est évident pour les enseignes que
l'obligation ou la contrainte ne fonctionne que dans la mesure où elles sont
sollicitées par les associations. C'est la création d'un droit opposable.
2. La solidarité sera
l'affaire de tous.
Dans cette relation de proximité, chaque
commune pourra ainsi informer ses citoyens des initiatives entreprises sur le
terrain afin de mobiliser de nombreux bénévoles.
Ce qui a été fait à Courbevoie comme
"laboratoire" a vocation à se décliner partout.
La communication d'une municipalité
dispose maintenant de nombreux supports, papiers ou réseaux sociaux et l'impact
de Twitter et Facebook, nous l'avons vu lors de cette belle initiative, permet
de rassembler les bonnes volontés qui ignoraient tout simplement notre action
par manque de communication.
3. La solidarité
renforcera son action
La volonté
de cette loi n'est pas de diviser la solidarité mais d'en renforcer les moyens.
C'est
pourquoi le surplus de nourriture sera cédé automatiquement aux associations
agréées qui peuvent la stocker, venant ainsi renforcer leurs propres collectes.
Pour avoir étudié toutes les
possibilités pour lutter contre ce gaspillage alimentaire et mutualiser au
maximum les efforts de chacun dans cette action au quotidien, nous avons pris
connaissance d'un système quasi-similaire à Herstal en Belgique, porté par le
député socialiste Frédéric Daerden.
Son succès nous conforte dans l'idée que
la coordination de nos actions respectives pourra éradiquer une partie du
manque de nourriture dont souffrent beaucoup de nos concitoyens.
La bonne volonté et ce
désir profond d'aider les autres ne pourraient suffire à mettre en place une
telle action. Chaque soutien compte et nous sommes heureux de pouvoir compter à
nos côtés des associations de renom comme ONE France, ONG fondée par Bono, la Croix rouge française ou
encore Action contre la Faim.
De surcroît, notre
combat est international et aura vocation à se décliner sur d'autres continents.
Nous devons donc imposer la
redistribution des invendus alimentaires aux associations locales qui en font
la demande.
La lutte contre la faim et la soif n'est
ni de gauche, ni de droite mais elle est du devoir de chacun. Dès lors, dans
notre combat transpartisan, il ne peut y avoir qu'une seule volonté commune
face à une misère au quotidien : un encadrement légal simple et clair.
Ainsi, le recours à la loi est donc le
seul qui permettra de pouvoir répondre à cet enjeu.
Par conséquent, en
concertation avec la sénatrice Nathalie Goulet, et les députés Frédéric
Lefebvre et Jean-Pierre Decool, nous avons redéposé deux nouvelles propositions
de loi. Une au Sénat et une à l'Assemblée Nationale.
La loi sera de nouveau votée dans les 6
mois.
Nous le devons aux millions de démunis
qui ont faim et soif dans notre pays au nom de la Fraternité.