Rétablir la confiance en politique : pour un cocktail de pédagogie et d'imagination
Par Jeremy Sebbane
Comment réconcilier les Français avec leur classe politique?
Cette question semble devenue un marronnier du débat public tant les éditorialistes ne cessent de marteler que nos concitoyens seraient dorénavant convaincus que nos dirigeants ne peuvent rien faire pour améliorer leur quotidien.
Difficultés du gouvernement à obtenir des résultats immédiats dans un contexte de crise économique et financière persistante, consternation devant le psychodrame qu'avait représenté la bataille Copé-Fillon pour la présidence de l'UMP et les multiples irrégularités dans la primaire parisienne ayant désigné Nathalie Kosciusko-Morizet, multiplication des affaires (Cahuzac, Sarkozy, Guéant, Lagarde...) ... de toute évidence, le climat est lourd et peu propice à la confiance.
Face à une majorité qui déçoit une partie de ses électeurs et une opposition incapable de désigner un chef et se vautrant de plus en plus dans la radicalisation quitte à cautionner des violences - comme ce fut le cas lors des déplorables manifestations contre le mariage pour tous-, il y a fort à craindre qu'à la traditionnelle montée de l'abstention que l'on retrouve à chaque élection intermédiaire, nous assistions encore lors des prochains scrutins à une nouvelle montée des populismes.
Il n'y a pourtant pas de fatalité à voir se creuser le fossé entre les Français et leurs dirigeants.
Mais pour cela, alors que son autorité est contestée et son honnêteté toujours sujette à caution, il faut que le politique démontre qu'il peut être en mesure de changer les choses.
Mais pour cela, alors que son autorité est contestée et son honnêteté toujours sujette à caution, il faut que le politique démontre qu'il peut être en mesure de changer les choses.
Les Français sont las des grands slogans type "changer la vie" et attendent des actes concrets. C'est en particulier le cas des plus jeunes d'entre eux qui dans leur grande majorité avaient voté lors des dernières présidentielles pour François Hollande et qui attendent aujourd'hui impatiemment de voir traduit dans les faits son désir de mettre la jeunesse au cœur de son quinquennat.
Cela, le Président l'a bien compris. En faisant preuve de pédagogie et de ce que Pierre Mendès France appelait l'"éthique de vérité", celui-ci a montré qu'il ne voulait pas se payer de mots et surtout ne pas mentir aux Français. Conscient que la décrédibilisation du politique était intimement liée à sa démagogie, il a délibérément choisi de limiter les promesses pour mieux éviter les inévitables désillusions. Reste à savoir si cette attitude sera récompensée plus tard dans les urnes au moment où son impopularité tient davantage à l'impatience des Français de voir des résultats qu'au rejet de sa méthode de gouvernance.
Ce sentiment de méfiance semble, en revanche, épargner les élus locaux. Dans toutes les études, le maire reste l'élu auxquels les citoyens accordent le plus leur confiance et dont ils ont le sentiment d'être le plus proches. C'est vrai pour les petites villes mais pas seulement. La multiplication des compte-rendus de mandat de Bertrand Delanoë depuis douze ans pour expliquer sa politique aux Parisiennes et aux Parisiens ainsi que l'accroissement des organismes de démocratie locale dans la capitale ont été de toute évidence des marqueurs forts de son action. Anne Hidalgo qui devrait, en toute logique, lui succéder ne s'y est pas trompé en choisissant, elle aussi, dès son entrée en campagne de donner la parole aux citoyens en mettant en place l'association "Oser Paris" ouverte à tous les habitants de la capitale souhaitant contribuer à nourrir son projet.
Faire le pari de la curiosité et de l'intelligence des Français, c'est ce qu'avait fait aussi depuis des années Manuel Valls qui, lorsqu'il était encore Député-Maire d'Evry avait lancé dans sa ville "Les rendez-vous de l'éthique" permettant aux habitants de rencontrer et d'interpeller les personnalités politiques ou issues de la société civile faisant l'actualité.
Cette formule a été reprise ici ou là. En y apportant parfois quelques touches de modernité, révolution numérique oblige.
C'est ainsi que depuis plusieurs mois Arash Derambarsh, convaincu que l'avenir du politique se jouera également dans les systèmes de collaborations sur la toile, organise des réunions et de débats pour son club "Courbevoie 3.0" dont l'ambition est de faire interagir les citoyens avec des personnalités qui ont chacun une légitimité dans leur domaine respectif - qu'il s'agisse du monde politique ou de celui de l'entreprise- pour imaginer ensemble la "smart city" de demain.
Ce genre de bonnes pratiques pour favoriser l'expression du peuple ne doit pas relever de l'exception.
Ce genre de bonnes pratiques pour favoriser l'expression du peuple ne doit pas relever de l'exception.
Améliorer la relation du citoyen à ses élus est aujourd'hui une obligation pour éviter demain de bien mauvaises surprises.
Le cocktail pour y parvenir n'est pas si compliqué : faire preuve de pédagogie, dire la vérité aux Français, leur présenter un cap, ne pas avoir peur de l'innovation et de leur parole mais au contraire l'accueillir pour nourrir l'action publique et surtout faire preuve d'imagination car hier comme aujourd'hui la résignation ne pourra que nourrir celles et ceux qui, patiemment, attendent leur heure pour abîmer notre modèle républicain.