dimanche 18 septembre 2016

Au Havre, Arash Derambarsh dénonce le gaspillage alimentaire


Consommation. À l’initiative de la loi contre le gaspillage, Arash Derambarsh était hier jeudi soir au Havre
.
arash derambarsh
Arash Derambarsh, poursuit sa croisade contre le gaspillage (photo Le Parisien)

Arash Derambarsh, auteur du Manifeste contre le gaspillage (Fayard), couronné par le prix du livre politique Edgar-Faure (2015), donnait hier jeudi soir une conférence sur ce thème auprès de membres du comité de circonscription des Républicains. « Simple » conseiller municipal de Courbevoie (92), il est à l’initiative de la loi sur le gaspillage alimentaire bientôt de portée européenne.

Où en est votre lutte contre le gaspillage ?

Arash Derambarsh : « À peine élu conseiller en mars 2014, je mettais en place une initiative contre le gaspillage alimentaire auprès de supermarchés de la commune. En France, chaque soir, les grandes surfaces jettent en moyenne 50 kg de nourriture consommable, de quoi nourrir 100 personnes. Je lançais une pétition afin de permettre la distribution immédiate. Mais il fallait cristalliser l’opinion publique et créer un encadrement légal. Une loi sera finalement votée à l’unanimité le 9 décembre 2015 à l’assemblée nationale puis le 3 février au Sénat. Le parcours ne s’arrête pas là. En Europe 100 millions de personnes ont faim. Une pétition ayant recueilli 800 000 signatures devrait permettre de mettre en place une initiative citoyenne. Dans le même temps, un amendement sur le gâchis alimentaire a été adopté par le Parlement européen. Il nous faut la signature de Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne) afin de faire ratifier une loi par les états membres. »

Je me dois de renvoyer l’ascenseur

Plutôt que de recycler, le problème n’est-il pas en amont ?

« C’est le cœur du sujet. Mais il fallait cette loi pour stopper l’hémorragie. Les supermarchés jetaient la nourriture et récupéraient la TVA tout en prétextant la date de péremption pour mettre d’autres produits en rayon. Les deux perdants sont les agriculteurs qui vendent à perte et les consommateurs qui voient leur pouvoir d’achat fondre. Oui, il faut remettre à plat la production, la transformation, la distribution et la consommation. Je prépare un livre sur ce thème dont la sortie est prévue pour fin février 2017. »

Comment expliquer que vous soyez parti, un peu seul au monde dans une telle bataille ?

« On m’a souvent répété que c’était impossible. Mon parcours difficile est à l’origine de ce combat. Lorsque j’ai pris mon indépendance, étudiant, à 19 ans, je ne vivais qu’avec 800 € pour un loyer de 400 €. Soit trois semaines tous les mois à bricoler. La République m’a donné les outils pour réussir. J’ai soutenu ma thèse en droit, je serai prochainement avocat, je suis élu. Je me dois de renvoyer l’ascenseur à ce pays qui m’a fait grandir. Si possible dans l’intérêt général. C’est l’essence même du politique. »

Sollicité bien avant l’adoption de cette loi, un directeur d’hypermarché du Havre, lui reprochait de stigmatiser la grande distribution, notant au passage que son magasin assurait déjà le don de denrées alimentaires. 
Que lui répondriez-vous ?

« Je ne m’adresse pas aux supermarchés qui font bien leur travail. Je m’adresse à tous les commerces. Je ne suis pas là pour mettre des bons points. Je ne dirais pas que ce directeur fait une bonne chose. Il fait juste quelque chose de normal. Je ne suis pas là pour stigmatiser mais poser un cadre juridique. »

Oui mais la grande distribution n’est pourtant qu’à l’origine de 5 % du gaspillage alimentaire...

« Effectivement. Mais aborder le débat de cette façon c’est mal le poser. Comme le fait souvent la grande distribution. Ce sont pourtant ces 5 % qui nourrissent les pauvres, les démunis. L’urgence est là. Les consommateurs sont responsables de 45 % du gaspillage. Mais ce n’est pas parce que vous n’allez pas finir votre assiette que vous allez le donner à quelqu’un dans la rue. Question de décence. Oui, il faut imaginer un autre projet de société. On passe alors dans le moyen voire le long terme. »

PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE FREBOU